Blanc

Cet article a été publié il y a 16 ans. Son contenu est sans doute daté, tant sur la forme que sur le fond... Toutefois, cela n’empêche pas d'échanger à son propos. N'hésitez donc pas à vous exprimer en commentaires à la fin de l'article.

A l’occasion du scrutin européen, petite dénonciation d’un aspect souvent oublié de notre système de vote.

Comme vous l’avez sans doute remarqué, l’actualité du week-end a été marquée par les élections du parlement européen. Je ne reviendrai pas sur ces élections en particulier, mais je profite de l’actualité pour revenir sur un sujet qui me tient à cœur et que je trouve profondément injuste dans le fonctionnement de notre système de vote (et récurrent dans la plupart des systèmes de votes, d’ailleurs, il me semble).

Il s’agit tout bêtement du… vote blanc !

En effet, celui-ci est systématiquement confondu avec l’abstention ! Or, ça n’a justement rien à voir. Voter blanc, qu’est-ce que c’est ? Voter blanc, c’est faire l’effort de se déplacer au bureau de vote, mais ne rien mettre dans l’enveloppe (ou y mettre un document invalide). Il peut y avoir de nombreuses raisons de faire cela : désaccord avec les seules options proposées, incompréhension du scrutin, refus du système… Pour moi, c’est un mode d’expression précieux et intéressant. Or il est toujours confondu à l’abstention, qui se définit par le simple fait de ne pas voter.

Je n’arrive pas à comprendre ce principe. Comment peut-on considérer que le fait de voter blanc est équivalent au faire de ne pas voter du tout ?! « Voter blanc, c’est ne pas voter » : la phrase en elle-même est incohérente !

Mais cela va encore plus loin : lors des statistiques finales, le vote blanc est toujours considéré comme de l’abstention. Du coup, il n’entre pas en compte dans les statistiques !!! Pour moi, c’est à la limite de l’insulte pour ceux qui votent blanc ! Et pourtant, il me semble que cela serait au contraire infiniment plus intéressant d’avoir la proportion de blanc. Dans le cadre d’un référendum, par exemple, il n’y a pas deux réponses possible, mais bien trois : « oui », « non » ou « je ne sais pas ». Pourquoi cette troisième réponse serait-elle moins importante que les deux premières ?! Au contraire, cela me semblerait intéressant de connaitre combien de personnes n’ont pas compris la question (je pense au référendum sur la constitution européenne, par exemple).

Pour finir, je voulais revenir sur l’interprétation des politique de l’abstention. Pour eux, cela dénote une « dénonciation » ou un « refus » de la part des citoyens ! A mon sens, c’est totalement faux. Il me semble que l’abstention implique simplement un manque d’interet de la part des (non)votants ! Ceux qui veulent faire passer un message ne restent pas tranquillement chez eux, ils font la seule chose qu’ils peuvent dans le cadre d’un scrutin : ils votent blanc !

Geek bordelais, féru de science, amoureux de technologies, mordu de SF, amateur de fantasy, épris de jeux en tous genre, adepte de réflexions diverses. Et j'aime le canard, aussi.

20 commentaires

  1. En ce qui concerne le vote blanc, j’ai pas mal tendance à considérer que cela revient à de l’abstention à ceci près que les gens sont allés voter. Dans le cas d’un référendum, voter blanc n’a à mon sens pas de sens justement, parce que cela ne permet en aucune façon de trancher une question.
    Pour une élection classique, j’ai du mal à comprendre comment on peut voter blanc. Nous sommes dans un pays où la bilatéralité n’existe pas au premier tour, de très nombreux partis sont présents. Ce n’est pas le cas dans beaucoup d’autres pays. Je ne vois pas comment une personne n’arriverait pas à se retrouver du moins en partie dans un candidat ou un mouvement/parti politique.

    Je pense très honnêtement que le jour de l’élection joue pour beaucoup dans le taux d’abstention. Faire voter les gens un dimanche du mois de juin est tout bonnement stupide pour moi. Pourquoi ne votons-nous pas en semaine ?
    Je prends un exemple, si vous êtes de mariage à l’autre bout de la France en un week end de juin (certains se reconnaîtront), comment peuvent-ils voter ? Cela n’est pas possible…

  2. Je ne suis pas convaincu pour ce qui est du jour de vote : la procuration permet de régler le problème que tu évoques.

    Pour la différence entre le blanc et l’abstention, j’ai pourtant essayé d’être le plus clair possible… 🙁

    Je vais essayer de m’exprimer autrement…

    En gros, dans le cas d’un REFERENDUM, comment dire que "tu ne sais pas" sans dire "je m’en fiche" ?! Autre exemple : imaginons qu’on ait un référendum du genre "retour au septennat ou passage au triennat", comment dire "restons au quinquennat" ? "Pour ou contre l’indépendance de telle colonie", et si je suis pour une solution intermédiaire ?!

    Dans le cadre de l’ELECTION présidentielle, je reconnais qu’au premier tour, en général, il y en a pour tous les goûts… Mais si je suis royaliste (pour le roi, pas pour Ségolène ^_^) ? Et au second tour, si aucun des deux candidats ne m’inspire ?!

    Dans tous ces cas, tu peux très bien te sentir concerné sans pour autant trouver de quoi t’exprimer à travers les bulletins disponibles ! C’est à ça que sert le vote blanc !

    Ca n’a rien à voir avec l’abstention !!!!! Dans ce dernier cas, c’est simplement l’expression d’un désintérêt ! L’opposé du vote blanc, qui lui exprime bien un intérêt !

    Tu vois ce que je veux dire ?

  3. Si tu vas à la gendarmerie pour dire que tu peux pas aller voter parce que tu es de mariage, je suis vraiment pas sûr que tu puisses faire une procuration. Quand bien même si tu vas à un mariage tu y vas pas seul donc ton conjoint pourra pas voter non plus. Cela complique…

    "retour au septennat ou passage au triennat" => Ce ne serait pas un référendum

    Ce que tu remets en cause, c’est le référendum lui même.

    L’abstention n’exprime pas forcément un désintérêt. Je n’ai pas voté hier parce que je suis toujours inscrit chez mes parents. Cette élection m’a intéressé mais je n’ai pas pu voté c’est tout.

    Nous vivons dans le monde du oui/non. Voter blanc exprime en effet un point de vue, mais au final ne sert à rien pour l’après élection car cela ne permet pas de déterminer les résultats.
    Si un jour le vote blanc prenait de grande proportion, alors il serait donné.

    PS : j’avais très bien compris ton propos avec les explications de ton post ^_^

  4. Dans le système actuel, je suis entièrement d’accord : voter blanc ne sert à rien.

    Mais c’est bien ce qui est dommage, à mon avis. Si le vote blanc était considéré comme un vote à part entièrement, et si l’avis exprimé ainsi était considéré par les politiques, pris en compte dans les stats et commenté par les médias, cela rendrait les élections bien plus subtiles qu’elles ne le sont maintenant. Et d’ailleurs, je pense que le nombre de vote blanc serait beaucoup plus élevé car les gens aurait plus de latitude pour s’exprimer…

  5. Je suis d’accord avec Ekho pour dire que le vote blanc permet d’exprimer un intérêt.
    Souvenez-vous du second tour lors des présidentielles de 2002 (fr.wikipedia.org/wiki/Él… ). On avait le choix entre J. Chirac et J.M. Le Pen. Si le blanc avait été pris en compte, il est probable qu’il aurait été élu (le blanc).
    D’accord, élire blanc n’a aucun intérêt, mais on pourrait très bien recommencer les élections dans ce cas là, ce qui inciterai les hommes politiques à trouver des choses intéressantes à dire.

  6. C’est exactement l’exemple que j’avais en tête Fufu ! Tu m’as sorti les mots de la bouche (ou du clavier) avant que je n’ait eu le temps ou l’occasion de l’évoquer. ^_^

    Dans ce cas, effectivement, il y a de très grandes chances que le vote blanc remporte la majorité (totalité de l’électorat de gauche et une partie du centre). Et dans un tel cas, la constitution devrait prévoir un échappatoire : réorganiser les élections ? Imposer des candidats différents ? Faire un second tour à 3 candidats à la majorité relative, et non plus absolue ?

    D’ailleurs, un autre cas de figure peut se présenter : lors d’un deuxième tour de présidentielles, si le vote blanc était compatibilité, il serait tout à fait possible qu’aucun des deux candidats ne remporte la majorité ABSOLUE (exemple : 47.5% pour A ; 47.5% pour B ; 5% pour blanc). Dans un tel cas, aucun des deux candidats ne serait éligible (et c’est d’ailleurs sans doute pour cela que le blanc est confondu avec l’abstention). Idem dans le cas d’un référendum…

  7. Votre calcul pour l’élection de 2002 est faux. Une très grosse partie de l’électorat de gauche et du centre ont voté pour Jacques Chirac et non blanc comme vous semblez le croire.

    Prévoir la possibilité de réorganiser une élection serait un danger pour les démocraties parce que ce principe serait utiliser par certains.

    C’est pour cela qu’on ne comptabilise pas le vote blanc. Il doit y avoir une majorité pour être élu. N’oublions pas qu’organiser des élections cela coûte de l’argent, et cela peut avoir un impact énorme sur l’économie, alors autant éviter de multiplier les tours et les complications…

  8. @Tharkun : Je ne suis pas d’accord sur les votes de 2002. Si tu regardes sur la page wikipédia, au premier tour Chirac n’a fait que 20% des voix. Le vote du second tour était principalement un vote d’opposition à Le Pen. Ceci dit je suis d’accord que ça pourrait être le bordel si on devait revoter.
    @Ekho : la majorité (le plus gros score) suffit au second tour, la majorité absolue n’est pas nécéssaire.

  9. @ Tharkun :

    "Votre calcul pour l’élection de 2002 est faux. Une très grosse partie de l’électorat de gauche et du centre ont voté pour Jacques Chirac et non blanc comme vous semblez le croire."

    => Ce n’est pas ce que je veux dire ! Je sais bien que la plupart des gens ont voté Chirac pour contrer Le Pen. Ce que je dis, c’est que si le vote blanc avait été considéré comme un vote réel, la plupart des gens aurait voté blanc. Cela dit, je reconnais que réorganiser des élections aurait coût. Je n’apporte pas forcément de solution, je pointe juste du doigt "l’injustice" du vote blanc. ^_^

    @ Fufu :

    Après vérification, l’élection présidentielle nécessite bien une majorité absolue (Art. 7 de notre constitution). En l’absence de celle-ci au premier tour, on en organise un second, sachant qu’au second tour, n’étant que 2 candidats, l’élu le sera forcément à la majorité absolue (>50%). ^_^

    Mais là où je met un "MAIS", c’est que ce système marche en ignorant les votes blancs ! Si on comptabilisait les votes blancs, notamment au second tour, il y aurait la possibilité d’une absence de majorité absolue, même au deuxième tour ! Ce qui empêcherait tout accession à la présidence, toujours d’après notre constitution…

    Et c’est là que ça deviendrait intéressant !

  10. @Tharkun : il me semble que être à un mariage est une raison largement suffisante pour se faire une procuration. Quand à voter en semaine, je trouve que ce ne serait pas pratique du tout. Les gens essaieraient d’y aller tôt le matin, avant d’aller travailler. Et les papis/mamies aussi, "pour voir du monde". Bref, ce serait le bazar, comme quand on doit passer à la poste le matin en semaine.

    Pour ce qui est du vote blanc, je suis d’accord qu’il ne devrait pas être compté de la même manière que les abstentions, car clairement il n’a pas la même signification. Cela dit, la vraie question est de savoir comment il devrait être compté, et ce n’est pas si évident que cela.

    Je pense que si on donnait une signification officielle au vote blanc, le taux d’abstention baisserait. Cela dit, serait-ce vraiment suffisant ? Il y a bien d’autres raisons à l’abstention, malheureusement.

    Heureusement que l’on envoie toujours les professions de foi des candidats au minimum 15 jours avant et que l’on parle beaucoup des élections dans les medias, pour que les gens soient parfaitement renseignés et aient le temps de réfléchir. Hum hum…

  11. Je ne suis pas d’accord, et je suis contre la comptabilisation du vote blanc !
    On fera quoi quand on aura 80% de blanc à chaque élection car les français sont des gros râleurs ? On se refait une élection chaque semaine ?
    On aura toujours une majorité de gens pas contents en France (sinon on aurait des élections dès le premier tour !)

    Je comprend tout à fait ce que tu veux dire ekho, mais dans un pays comme la France, ça serait le gros bordel et l’immobilisme.

  12. Je pense comme Ekho que les gens qui voteraient blanc sont dans les abstentionistes. Les gens qui râlent (le fameux si stupide "vote sanction"), eux, votent dans les extrêmes.

  13. Dans le sens de Eldermê, j’aurais aussi tendance à dire que la ralerie si typiquement gauloise (cocoricooo) est très souvent alimentée. Dans notre cas, il y a effectivement des chances pour que ça donne des votes dans les extrêmes plus que dans le blanc (sauf si un véritable "parti blanc" s’organise, mais là n’est pas mon idée)…

    Dans tous les cas, je reste un partisan de la comptabilisation du vote blanc, en particulier PAR OPPOSITION à l’abstention.

  14. Ah cela fait plaisir pour une fois d’être en désaccord avec Ekho mais en accord avec Lyr ^_^

    C’est pas si fréquent.

    Pour revenir à la discussion, le vote blanc sert aussi à une chose, à comptabiliser les votes erronés. Quand on vote, on demande de faire un choix, à mon sens voter blanc signifie refuser de choisir car cela ne permet pas d’avancer mais uniquement de stagner et de laisser la situation là où elle est.

    Un président (par exemple) est élu pour 5 ans. Comment ferait-on si on comptabilisait les votes blancs et qu’une majorité de vote blanc se dessine lors des résultats ? Si on organise de nouveau une élection, que fait-on du président qui n’a pas le droit de continuer son mandat ?

    Bref encore une fois, donner un sens au vote blanc rendrait les choses bien trop compliquées.

  15. Voter blanc ne constitue pas un vote erroné ! Il y a les votes nuls pour ça. La signification n’est pas la même. Voter blanc signifie, "je ne suis d’accord avec aucune des alternatives proposées." Cela ne signifie pas refuser d’avancer, mais dire "ce vote a été organisé trop vite, la question posé n’est pas pertinente, il faut prendre le temps de le faire correctement."

    Prenons le cas du référendum sur le traité constitutionnel de l’Europe. Si au moment de ce référendum, voter blanc avait signifié officiellement "ce traité est incompréhensible pour moi (parce que honnêtement, quelle proportion de gens étaient vraiment à même de voter ce traité en toute connaissance de cause ?), il est trop long et rentre trop dans des détails qui n’ont pas à être traité ici, MAIS je suis dans l’absolu plutôt d’accord avec le fait de donner une constitution à l’Europe", combien de gens auraient voté blanc ? Beaucoup, à mon avis, et cela aurait peut-être beaucoup plus fait avancer les choses, et dans le bon sens. Au contraire, on s’est retrouvé dans la situation où des gens ont voté "non" pour tout un tas de raisons très variables, et on a fait dire tout et son contraire à la signification de ce "non". C’est vraiment dommage.

  16. J’aimerai éclaircir un point, il est faux de dire que le vote blanc est considéré comme de l’abstentionnisme: abstention=inscrits – votants, alors que blanc et nul = votants – exprimés.
    Cela me semble important!
    Pour ma part (et Arnaud est au courant, je pense), je pense que de voter blanc pour les élections européennes est une énorme erreur sachant qu’une quinzaine de listes (de l’extrême droite à l’extrême gauche) étaient représentées… qui ne trouve pas son bonheur?
    En ce qui concerne les référendum, les questions sont toujours fermées OUI-NON, si une majorité de "je ne sais pas" apparait, cela revient à conserver l’idée précédente. ex: êtes vous favorable au quinquennat? je ne sais pas = on garde le septennat donc NON.
    Cependant, il est important de voter, c’est un droit qui a était difficilement acquis. Mais il sert aussi à cautionner les politiques mis en place… donc méfiance.
    Comme dirait Renaud (repris de Coluche): "Si les élections changeaient vraiment la vie, ça ferait longtemps que voter serait interdit".

  17. Hm… J’avais pas vu l’article, je ne rentre dans le débat que fort tard… Et pourtant, comme les prouvent mes statuts Facebook de ce week-end, j’étais bien remonté contre le taux de non-participation au dernier scrutin…

    Alors, alors, soyons méthodique, pour essayer de ne pas trop répéter ce qui a déjà été dit.

    En fait, toute la question du vote blanc est celle des votes "opposition à l’élection" – que ce soit, comme Ekho le dit au sujet du référendum pour la Constitution, parce que cette élection-ci parait mal organisée, et ses enjeux, obscurs, ou bien, comme la plupart des "abstentionnistes par conviction" le disent, par opposition au système (sur le mode "élections piège à cons", "de toute façon les gagnants sont toujours les mêmes, une seule caste de technocrates", etc.)

    Tout d’abord, pour répondre à Jean-Vincent, s’il y a effectivement une différenciation dans les comptes officiels, cf. le site du ministère de l’intérieur, l’amalgame est ensuite très rapide, notamment dans la presse. Et le fait est que, si je ne m’abuse, légalement un trop fort taux d’abstention peut faire annuler un vote, ce qui est sans doute aussi le cas pour les votes blancs, mais de manière moins claire il me semble – et de toute façon, les taux de vote blanc restent toujours extrêmement minimaux. Et de toute manière, ils restent indistincts des votes nuls, ce qui handicape ceux qui prétendent voter blanc par conviction.
    Et de toute manière, en fait je ne suis même pas sûr que ces fameux votants d’opposition soient si favorables que ça au comptages des votes blancs : il y a aura toujours des gens incapables pour x ou y raison d’aller voter, donc le chiffre "blanc + abstention" sera toujours plus impressionnant que s’il y avait vraiment blanc d’un côté, abstention de l’autre…

    Bref, ce détail technique étant précisé, revenons au principe – selon moi très problématique – de ce vote d’opposition.
    Primo, comme le dit Tharkun, Un tel vote n’a pas lieu d’être dans un référendum : le principe d’un référendum, au sens stricte, c’est une question par "oui" ou "non", et qui est censé proposer le choix entre une évolution possible d’une part, ou bien un conservatisme de l’autre. C’était très clair dans le cas du référendum sur le quinquennat par exemple. Dire "je ne sais pas" n’a pas vraiment de chance, et dans le cas précis du référendum, si vraiment on est indécis, voter blanc n’apporte aucun signifié de plus que s’abstenir.

    J’en profite pour une petite parenthèse, au sujet du référendum sur la Constitution européenne : il n’avait aucun sens, d’où l’imbroglio causé. En effet, les Etats membres ont fait l’erreur de traiter la Constitution comme n’importe quel autre traité ; et du coup, deux niveaux de vote ont été mélangés pour le choix de cette constitution : le vote confédéral, et le vote national. La statut de confédération (attention, je ne dis pas fédération, le préfixe à son importance !) est très particulier, et très difficile à gérer : autant pour des questions comme l’euro ou l’espace Schengen, on peut admettre que chaque Etat membre peut ou non adhérer, autant dans le cas d’une Constitution, qui est l’essence même de ce qu’est l’Union, c’est tout le monde, ou personne. Or, la plupart des autres pays membres avaient déjà ratifié le traité lorsque la France a voté, ce qui était absurde : soit on décide que c’est quelque chose d’assez important pour être soumis à la démocratie directe, et dans ce cas, il fallait le faire à l’échelle européenne ; soit on décide que c’est un choix qui se fait entre Etat, et dans ce cas, on attend pour commencer la ratification que tous les Etats aient fait leur choix en interne (par le moyen qu’il veulent), et aient TOUS accepté le traité.
    En gros, le gouvernement a choisi de soumettre au référendum une question qui, diplomatiquement, ne pouvait pas avoir d’impact à l’échelle européenne : en cas de réponse "non", soit la France votait "non" mais se pliait tout de même à la majorité (puisque ce traité constitutionnel n’exigeait pas l’unanimité des pays membres), soit elle sortait de l’Europe, ce qui n’était pas admissible…
    Bref.

    Revenons à nous moutons (Bêêêêêêhhhh !). Dans le cas d’un élection à choix multiple, le vote blanc a cette fois effectivement un sens un peu différent de l’abstention. Il reste néanmoins un "choix du non choix", très paradoxal et, surtout, ininterprétable. Que voudrait dire un vote blanc ? "Je refuse de donner ma voix à tel ou tel candidat, car aucun ne présente un programme dans lequel je me reconnaisse" ou bien "Je suis dans l’incapacité de choisir en connaissance de cause, car les candidats n’ont selon moi pas assez bien défini leur programme" ou bien encore "je décide de faire blocage au système démocratique, car je ne refuse cet ordre politique"… Les trois sens possibles que j’ai donné sont TRÈS différents.
    Essayons de pousser la progression un peu plus loin : en imaginant un électeur candide, c’est-à-dire dépourvu de toute réflexion critique sur la manière dont fonctionne une élection, et donc incapable de construire une stratégie du style du très discutable "vote utile", mais qui vote avec comme seule arrière-pensée : "je vote en accord avec mon âme et conscience pour ce qui mérite le plus de gagner", QUE VEUT QUELQU’UN QUI VOTE BLANC ? Que les élections soient déclarées invalides. Dans quel but ? Deux cas de figures, auxquels je me permets de répondre.

    À ceux qui espèrent un "grand soir", qui espèrent faire tomber l’institution, je répond : et pourquoi d’autre ? Cela fait des siècles que les philosophes, puis les sociologues, ont essayé de chercher des alternatives ; la démocratie directe est impossible au-delà de l’échelle de la petite communauté urbaine (c’est-à-dire, dès lors qu’il n’est plus matériellement possible de rassembler tous les électeurs dans un même lieu), et exige de plus que les citoyens aient beaucoup de temps "libre" (je rappelle que la Cité grecque, ou la République Romaine, ne pouvaient se permettre la démocratie directe qu’au prix de l’esclavage, car c’était le seul moyen pour que les citoyens puissent ne travailler qu’une demi-journée et assister aux débats le reste du temps…), ce qui est impossible dans un mode de vie basé sur la division sociale du travail ; le communisme est lui aussi un échec dans le sens où il ne peut être atteint qu’au prix d’une négation de l’individualité, façon fourmillière ou utopie à la Orwell (et ce, parce que son postulat de base est que les hommes naissent tous égaux, ce qui est faux : les plus futés, les plus forts physiquement, tenteront toujours par nature, de faire valoir leur supériorité innée sur les autres)… Il faut vraiment être particulièrement niais pour s’imaginer qu’il suffira d’un vote majoritairement blanc pour qu’un génie providentiel propose un système meilleur que la démocratie représentative…
    Il faudrait peut-être aussi qu’on arrêt de nous bassiner à l’école en faisant l’éloge de cette démocratie comme accomplissement ultime, c’est comme ça qu’on déçoit après les futurs abstentionnistes volontaires ou voteurs blancs : depuis Machiavel, en passant par les Rousseau et les Lumières, la démocratie n’a jamais été pensée comme mieux que "le système le moins mauvais"…

    À ce qui n’espèrent pas tant, qui sont satisfait de l’institution, mais qui ne demandent qu’un nouveau vote, je fais plusieurs remarques : tout d’abord, contrairement aux parodies de démocraties comme on peut en trouver, encore aujourd’hui, dans certains pays, il n’est à la fois pas si difficile que ça de se porter candidat (cela varie selon les échelons, c’est bien sûr moins évident pour la présidence que pour une municipale), et pas si évident que ça de trouver d’en trouver d’autres potentiellement à la hauteur, dans l’hypothèse où les candidats du premier vote n’auraient pas le droit de se représenter. Alors, si vraiment personne parmi les candidats ne pensaient comme vous au premier vote, surtout au premier tour, il y a peu de chance qu’en cas de re-vote vous trouviez votre bonheur. Dans ce cas, il faut faire preuve d’humilité, arrêter de rechercher le candidat idéal, et voter pour le moins éloigné de ses convictions. Ensuite, organiser une élection, à l’échelle d’un pays, ne se fait pas en 2 heures, et en attendant, on paralyse la vie politique : parce que les hommes et femmes politiques s’investissent plus leur campagne que dans les affaires courantes, parce que les postes à hautes responsabilité n’osent pas prendre de décision trop radicale tant qu’ils ne savent pas s’ils seront encore là le lendemain pour en gérer les conséquences, etc.

    Cela étant, arrêtons d’interroger notre électeur candide idéal, notre vote à tous est influencé par ce que nous savons du système, et on sait (du moins, on devrait savoir) qu’une proportion de vote blanc digne de faire annuler un vote est extrêmement rare – à vrai dire, je ne crois pas que ça ce soit déjà vu dans le cas d’élections parlementaires ou présidentielles. Voter blanc – ou s’abstenir – en sachant que cela n’aura aucune influence, sinon sur les analyses sociologiques, c’est accepter de se priver soi de la possibilité de voter "pour le moins pire", et donc accepter de se retirer du jeu, et de voir élire éventuellement des gens à l’opposé de nos convictions. Donc, quand je vois en parcourant la blogosphère le nombre d’abstentionnistes "par conviction" qu’il y a eu aux dernières élections européennes (qui auraient pun voter blanc si c’était mieux pris en compte), en sachant le nombre pléthorique voire astronomique de listes en lice, y compris des listes euro-sceptiques pour ceux qui veulent s’opposer "aux bureaucrates de Bruxelles", au point qu’il est impossible que personne n’ait trouvé de candidat acceptable, j’avoue que ça me met en pétard.

    J’en reviens pour conclure à une considération plus globale, non plus à l’échelle du quidam qui va voter, mais à l’échelle de l’électorat : une forte proportion de votes blancs si cela devait arriver, serait un symptôme très grave que les gens ne savent plus ce que veut dire "démocratie" et comment elle est censé fonctionner. Son principe est de s’accorder au choix du plus grand nombre, donc, oui, il faut choisir ! Mais on dirait qu’à notre époque les gens ont de plus en plus peur de choisir, c’est une trop lourde responsabilité pour eux… C’est vrai que, souvent, on est confronté à l’ultimatum de choisir "le moindre mal", et pas le bien ou le mal (ce qui serait très facile); ben oui, mais c’est comme ça, c’est la vie, faut s’y faire, on n’est pas dans un film hollywoodien…

  18. Ah, mais on le sait, que tu n’es pas le seul… Surtout si on agrège les prétendus « abstentionnistes par conviction »… C’est justement une des données du problème ! ;-D

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