Pénibilité au travail ?
Depuis quelques temps, on entend cette notion toutes les 5 minutes à la radio : la pénibilité au travail. Celle-ci est évoquée comme étant prise en compte dans la futur réforme des retraite.
Je préfère le dire tout de suite : je n’ai pas fait de recherche sur le sujet, et je n’en ai pas envie. Je préfère, ici, simplement mener une réflexion sur cette notion qui me semble extrêmement floue et peut facilement glisser dans la facilité. La question en elle-même peut paraitre simple : qu’est-ce que la pénibilité au travail ? Et plus concrètement : comment l’identifier ?
Le problème de cette question, c’est qu’elle me semble terriblement glissante vers un bête affrontement « ouvrier vs cadres ».
Alors ?
Tout d’abord, on conçoit facilement que la pénibilité peut être liées à un effort physique (port de charges, en particulier). Mais peut-on considérer qu’un effort ponctuel implique un travail pénible ? Sans doute pas. Il y a donc probablement une notion de durée à inclure. Dans ces deux cas, quel est le critère ? Quelle charge exactement ? Quelle durée exacte ?
Au delà de la charge physique, il y a souvent des problématiques de postures de travail. Le plombier qui passe une demi-journée accroupi, par exemple. Mais qu’en est-il de rester 7h assis devant un PC ? Plusieurs études reconnaissent des répercussions sur la santé. Le travail de secrétaire est-il pénible ? Là encore, quel serait le critère exact stipulant qu’un travail est pénible ou non ?
Allant de pair avec la posture, certains métiers impliquent des répercussions plus « diluées » sur la santé. Il peut s’agir des yeux du soudeurs. Mais aussi de ceux de l’ingénieur sur la modélisation 3D de son écran. Ou est donc la pénibilité ?
Et si on considérait la problématique « inverse » du port d’une charge lourde : la précision dans le travail. Un artisan bijoutier a-t-il un travail pénible ? Et un chirurgien cardiaque ?
Pour reprendre la seconde grande thématique ci-dessus (notion de charge et notion de temps), on peut probablement intégrer les horaires de travail. Un boulanger ou un livreur a-t-il un travail pénible en commençant très tôt le matin ? Et un barman qui travaille une bonne partie de la nuit ?
Toujours concernant le temps, doit-on prendre en compte la durée du travail ? Un ouvrier qui transporte des charges pendant 5h a-t-il un travail plus pénible qu’une infirmière qui travaille 12h de suite ? Et toujours : comment fixe-t-on le critère déterminant si un travail est pénible ou non en fonction de la durée ?
Jusqu’à présent, nous avons balayé différents critères physiques. Mais doit-on prendre en compte la pénibilité psychologique ? Je ne parlerais même pas ici de la reproductibilité d’une action tout au long de la journée (la plonge chez Flunch, par exemple) ou de la pression de la clientèle (hotline quelconque) 1.
Mais qu’en est-il de la pression que peut subir un cadre ? N’y a-t-il pas pénibilité ? Quelle différence peut-on réellement faire entre : un ouvrier allongé sur son canapé à cause d’un mal au dos parce qu’il à du forcer toute la journée, et un cadre allongé dans son canapé en train de préparer sa réunion de demain parce qu’il a manqué de temps toute la journée ? Quand un cadre n’est pas au 35h, s’agit-il de pénibilité ? Si un cadre à moins de vie de famille qu’un ouvrier, n’a pas son vendredi après-midi, s’agit-il de pénibilité ? 2 Je vous l’avais dit que ça glissait dans ce débat.
Pour finir, un brin de mauvaise foi… Un soldat, dont le métier prend 24h/24 de sa vie en dehors des permissions, a-t-il un travail pénible ? Et un prêtre, qui n’a officiellement ni vacances ni retraite ? 3
Vous l’aurez noté, cet article ne contient que des questions. A juste titre : je n’ai pas la moindre idée de ce qu’est-la pénibilité au travail… Alors, quid de la prendre en compte ?
- Et pourtant, on pourrait le faire entrer dans le débat aussi ![↑]
- On pourrait m’objecter que ces différences cadre/ouvrier pourraient être justifier par le salaire. Sans le nier, je considère que le salaire est normalement proportionnel au diplôme, aux compétences et aux responsabilités ; pas à la pression, au temps de travail ou à la pénibilité. Du moins en théorie.[↑]
- On pourrait dire que dans ces deux cas, c’est un choix. Faut-il alors prendre en compte le choix (ou non) de son métier dans la pénibilité ???[↑]
Il est clair qu’on en entend pas mal parlé en ce moment. La pénibilité est une notion récente dans la sociologie du travail. Pour la définir, elle a fait l’objet de négociation entre les différents représentants de salariés : les syndicats.
Ils se sont pour une fois mis d’accord sur deux critères permettant de définir la pénibilité d’un travail :
– le caractère agressif d’un milieu de travail
– les horaires
Le problème est qu’ils ne se sont pas mis d’accord sur un financement, comme d’hab me direz-vous…
Ces deux notions peuvent être assez vagues écrites comme cela. Cependant l’idée est assez simple. Le caractère agressif d’un milieu de travail amène en fait la question suivante, est-ce que la personne travaille dans un milieu dont les conditions sont agressives ?
On peut citer comme exemple les soudeurs, les peintre du BTP à cause des vapeurs, les souffleurs de verre…
La notion d’horaires désigne globalement les horaires de nuit.
Il ne suffit pas de parler de répercussions sur la santé pour amener la notion de pénibilité. En général quand on parle de pénibilité, c’est parce que statistiquement, les personnes concernées ont une espérance de vie plus courte de plusieurs années.
Quant à l’affrontement, de toute façon on n’a parlé que de bi-polarisation depuis le début : ouvrier vs cadre (si cadre signifie encore quelque chose), public vs privé, jeune vs vieux…
En ce qui me concerne, j’aurais tendance à dire que la « pénibilité » ne peut se définir que médicalement (en incluant les dimensions psychologiques), en terme d’une part de « coût irrécupérable » (un peintre dont les poumons sont bousillés par des vapeurs ne va pas guérir miraculeusement juste en arrêtant), et d’autre part de récupération des « coûts récupérables » (combien de temps pour s’en remettre). Ça reste très théorique, il n’empêche que les médecins ont le droit (du moins en général) de « récupérer » leurs gardes le lendemain, ce qui n’est pas le cas du boulanger qui allume son pétrin à 4 heures du mat. Mais effectivement, il reste extrêmement difficile de définir rationnellement une échelle de pénibilité qui puisse s’appliquer équitablement à toutes les branches…
Pour ce qui concerne la question précise de l’âge de départ à la retraite, mais pour elle seulement, il faut aussi prendre en compte la pénibilité ponctuelle, c’est à dire le maximum de force de travail exigé par un travail donné, par rapport à la détérioration liée à l’âge de la force de travail effective du travailleur. Ainsi, le vieillissement est moins handicapant pour une secrétaire que pour un docker… Mais dans ce cas, il s’agit d’autre chose que la « pénibilité au travail » per se, il s’agit plutôt de la « pénibilité du vieillissement au vu d’un travail donné ».
Concernant ta note 2, par contre : « On pourrait m’objecter que ces différences cadre/ouvrier pourraient être justifier par le salaire. Sans le nier, je considère que le salaire est normalement proportionnel au diplôme, aux compétences et aux responsabilités ; pas à la pression, au temps de travail ou à la pénibilité. Du moins en théorie ».
Je me permets juste qu’en terme de « théorie », si on se réfère aux principes de base micro-économique, le marché du travail fonctionne, comme toute la sphère économique, avec fixation du « prix » du travail par harmonisation de l’offre et de la demande. Autrement dit, dans un monde idéal purement théorique, il y a signature de contrat lorsque le prix que le demandeur (le patron) est prêt à payer coïncide avec celui que l’offreur de force de travail est prêt à accepter. Donc, dans ta liste, le diplôme et les compétences représentent les attentes du patron, la responsabilité touche aussi bien les attentes du patron que celle de l’employé, mais la pression et la pénibilité est nécessairement prise en compte dans les attentes de l’employé.
Ceci étant dit, on sait bien que dans la pratique ce modèle économique « de base » ne veut pas dire grand chose – il n’empêche, il justifie la plupart des progrès de la lutte syndicale de ces derniers siècles, même si le terme de « pénibilité » en tant que tel peut sembler assez neuf dans le débat…
@ Jérémy :
Oui, mais à ce moment là qu’est-ce qu’un « cadre de travail agressif » ?
Le problème, concernant la diminution de la durée de vie, c’est que quand on a chiffre concret, il est trop tard ! Et de toute façon, elle change chaque année, et peut largement varier d’un individu à l’autre… Donc, je ne pense pas qu’on puisse la prendre comme critère.
@ Dark Para :
Ta notion de coût récupérable ou non est très intéressante. Effectivement, du moment qu’une pénibilité est récupérable (et récupérée), on peut l’enlever de liste des causes de pénibilité. Mais bon, je crois qu’on est d’accord : ça reste très flou…
La durée de vie est une notion statistique. Pourquoi ne pourrait-on pas la prendre en compte ? Attention il ne s’agit pas d’un critère de définition de la pénibilité.
C’est parce que la durée de vie est plus basse dans certaines catégories socio professionelles que les syndicats veulent définir la pénibilité.
Tu penses que c’est uniquement via à la durée de vie moyenne qu’on veut intégrer la prise en compte de la pénibilité ?
Dans ce cas, il me semble que c’est très insuffisant. Et puis, ça porte surtout mal son nom. « Pénibilité », ça évoque une notion beaucoup plus vague et moins grave que la réduction de la durée de vie…
Non je n’ai pas dis cela. La durée de vie est un élément qui permet de mettre en lumière statistiquement des métiers qui ont un impact sur la santé à long terme.
On peut donc prendre en compte les configurations de ces métiers afin de dégager des points et voir si cela s’applique globalement.
La pénibilité est un outil qui permet de garantir statistiquement un certain nombre d’années de retraite.