Dialogue de bébés
Voici un petit conte reçu par email. Ce n’est pas de la grande littérature, mais ça fait récléchir :
Dans le ventre de la mère, deux bébés discutent. Céline est croyante, Nathalie non.
– Nathalie : Et toi, tu crois à la vie après l’accouchement ?
– Céline : Bien sûr. C’est évident que la vie après l’accouchement existe. Et nous sommes juste ici pour devenir forts et prêts pour ce qui nous attend après.
– Nathalie : Tout ça, c’est insensé. Il n’y a rien après l’accouchement. Est-ce que tu peux t’imaginer toi, à quoi une telle vie pourrait ressembler ?
– Céline : Eh bien, je ne connais pas tous les détails. Mais là-bas il y aura beaucoup de lumière, beaucoup de joie. Et par exemple là-bas on va manger avec notre bouche.
– Nathalie : Mais c’est du n’importe quoi ! Nous avons notre cordon ombilical et c’est ça qui nous nourrit. Et de cette autre vie, il n’y a encore eu aucun revenant. La vie se termine tout simplement par l’accouchement.
– Céline : Non ! Je ne sais pas exactement à quoi cette vie après l’accouchement va ressembler mais dans tous les cas nous verrons notre maman et elle prendra soin de nous.
– Nathalie : Maman ? Tu crois en maman !? Et où se trouve-t-elle ?
– Céline : Mais elle est partout ! Elle est autour de nous ! Grâce à elle nous vivons, et sans elle nous ne sommes rien. Elle veille sur nous à chaque instant.
– Nathalie : C’est absurde ! Tu l’as déjà vue toi ? Moi non plus ! C’est donc évident qu’elle n’existe pas. Et puis, si elle existait vraiment, pourquoi ne se manifeste-t-elle pas ?
– Céline : Eh bien, je ne suis pas d’accord. Car, parfois lorsque tout devient calme, on peut entendre quand elle chante… sentir quand elle caresse notre monde… Je suis certain que notre Vraie vie ne commence qu’après l’accouchement
Au delà de l’évident sous-entendu religieux, cela met aussi en évidence que ce n’est pas parce que l’on ne comprend pas quelque chose ou que l’on n’en a pas de preuve, que cela n’existe pas…
C’est intéressant, mais je ne trouve pas que ça fasse réfléchir : on est pas plus avancé XD
La réflexion n’apporte pas necessairement de réponse. 🙂
C’est une fable sur… euh… Christophe Colomb ? Ou sur la vie extra-terrestre ? #comparercequiestcomparable
Bon, je suis un peu agressif peut-être, mais ce qui me gène dans cette « fable », c’est que même en état se « suspension de l’incrédulité », comme on dit, ce n’est pas crédible.
« Et de cette autre vie, il n’y a encore eu aucun revenant. » Oui, donc, on est d’accord, non seulement notre dialogue suppose des jumelles, ce qui est déjà rare, mais en plus elle étaient déjà là lors de l’accouchement d’au moins un certain nombre de leurs aînés, pour pouvoir témoigner d’un « départ ». M’enfin admettons. Quelle est leur expérience du monde ? Sachant comment les sens fonctionnent chez un foetus, pas grand chose : les quelques recherches en psychologie néonatale supposent la plupart du temps que les enfants ont d’abord une perception de la vie / du monde comme monade, sur on mode intégralement égocentrique, à savoir qu’ils ne font pas vraiment la différence entre le « moi » et le « non-moi ». Où s’arrête leur être, leur corps… c’est extrêmement flou. Mais passons, là encore… Donc, pas adultomorphisme, nos protagonistes se considèrent comme des individus définis vivant dans un monde. Leur « cosmos » se réduit à un monde physiquement clos, mais qui, en de rares occasions, les « accouchements », s’ouvre vers un extérieur indéfini, mais attesté, puisque certains s’y retrouvent propulsés. Un extérieur de même niveau de matérialité que le monde connu. On peut éventuellement douter des chances de survie dans cet extérieur – mais à condition d’avoir une notion de la mortalité, bien entendu, ce qui suppose qu’on y a déjà été confronté… Donc, en plus, parmi leurs aînés déjà nés, il y avait au moins un mort-né ? Bref. Je m’arrête ici, car je sais que certains me considérerons de mauvaise foi.
Il n’empêche : tout ce qui fait le mystère de la « mort », contrairement à une disparition, c’est que dans la plupart des cas (oui, on m’excusera d’écarter les poilus déchiquetés par des obus, somme toute plutôt rares), le corps demeure. S’il y a passage d’un monde dans un autre, ce passage n’est jamais complet. D’où les rites, chez les hommes primitifs, ici de sépulture, pour préserver le corps au maximum de la destruction pendant ce qui n’était peut-être qu’un long sommeil, là d’anthropophagie, pour transmettre aux descendants la force vitale infuse dans le corps mais bizarrement plus active… Et, au-delà, toute la construction eschatologique du concept d’âme. Sans croyance préalable en une âme (et ce quelque soit sa nature, sa matérialité), sans principe autre que le corps pour être support de la conscience, impossible de croire en une vie après la mort (que ce soit pour venir réhabiter ce corps – resurrection, ou un autre – réincarnation, ou bien pour rejoindre un autre niveau de réalité – nirvana, paradis/enfer, etc.)
Je trouve que ta phrase « impossible de croire » est en contradiction avec la définition du verbe croire.
Tu veux probablement dire « impossible d’avoir une opinion rationnelle », parce que croire, ce n’est justement pas rationnel
Hm…
Je n’ai pas dit que la croyance avait quoi que ce soit de rationnel !
Par contre, le langage, lui, est à peu près rationnel – et si je crois « en quelque chose », alors il possible rationnellement d’établir les conditions logiques de cette croyance, c’est-à-dire ce que ce « quelque chose » implique. Lorsque je dis « impossible de croire en une vie après la mort sans [telle prémisse] », ici, on considère une croyance en particulier, pas le verbe « croire » dans l’absolu. Or, mon « impossible » n’est pas de l’ordre de l’impossibilité rationnelle de ce en quoi en croit, mais de l’impossibilité logique de croire en cela sans en même temps concevoir cette croyance. Exemple : on ne peut pas formuler la croyance que « 1+1=3 » si l’on ne conçoit pas le principe d’égalité…
Je vais expliciter : on parle ici de « croire en la vie après la mort », mais qu’est-ce que ça implique réellement ? En fait, la formule la plus juste serait : « croire que la mort n’est pas une fin intégrale et définitive pour l’individu mort » autrement dit « qu’il existe une partie de l’individu – quelle que soit sa forme, sa nature, sa proportion – qui survit et, soit se suffit à elle-même sous cette forme (fantôme), soit se reconvertit en autre chose. En tout cas, croire en la vie après la mort c’est croire en cette permanence malgré la cessation de la vie biologique de « quelque chose ».
Essayons un langage plus simple, au cas où ça passe mieux : posons que « je crois en la vie après la mort ». Oui, mais la vie de quoi ? Pas du corps, puisque par définition, il est mort. Peut-être temporairement, si je crois à la résurrection, mais en tout cas, puisqu’on parle d’un « après », c’est bien qu’il y a mort à un moment donné ! Donc, je crois en la possibilité, pour un individu donné, de continuer à vivre, sous une forme ou une autre, après la mort de son corps.
Je suis d’accord avec ce que tu dis, néanmoins je pense qu’il y a des personnes qui ne se posent pas tellement cette question. Elles croient en la vie après la mort.
Après, on ne sait pas si le corps « est » nous, où s’il n’est qu’une manifestation de nous, comme l’ombre est la manifestation d’une forme sous une lumière. Si on coupe la lumière, l’ombre disparait, et pourtant il peut n’y avoir eu aucune altération de la forme qui la projetait. Au final, ça ne change rien pour nous, le « corps » étant ce qu’on voit. après, quelle partie (dans le sens pourcentage) de nous est-il, ça c’est une question où seul la croyance peut répondre.
Je comprend mieux ce que tu disais, merci pour ta précision.
Pour la précision : y’a pas d’quoi ! (C’est toujours un de mes grands torts de m’imaginer que je m’exprime assez clairement pour me faire comprendre du premier coup, mais je fais des efforts, promis).
Et, tiens, même si je continue à trouver dommage que ce « dialogue entre bébés » masque l’aspect d’inconnaissabilité absolue qui fait la difficulté – et la saveur – de la spiritualité (parce que l’accouchement, tout inéluctable et irréversible qu’il soit, n’attaque pas directement l’être de l’individu comme le fait la mort, et parce que, dans la seconde partie, « maman » est bien trop matérielle – et aussi extérieure, autre, par rapports aux deux bébés – pour englober l’idée de Dieu), question : qui, des deux, est le croyant le plus dogmatique ? C’est une vraie question… Car, comme tu le dis, Lyr, « c’est une question où seule la croyance peut répondre », que ce soit dans un sens… ou dans l’autre !
Ainsi, comme Platon le fait dire à Socrate (pas vraiment un exemple de religiosité bigote) :
« Qu’est-ce en effet […] que craindre la mort, sinon s’attribuer un savoir qu’on a point ? N’est-ce pas s’imaginer que l’on sait ce qu’on ignore ? Car enfin, personne ne sait ce qu’est la mort, ni si elle n’est pas par hasard pour l’homme le plus grand des biens. […] Comment ne serait-ce pas là cette ignorance vraiment répréhensible, qui consiste à croire que l’on sait ce qu’on ne sait pas ? »