Pandemie sur WoW
Il y a un mois sortait le film « Warcraft ». L’avez-vous vu ? Pour ma part, je l’ai trouvé vaguement sympathique, visuellement bon mais scénaristiquement nul. Et servi par des personnages sans aucun charisme.
Situé dans le même univers, sans doute connaissez-vous World of Warcraft (dit « WoW »), le jeu de rôle massivement multi-joueur en ligne, qui a démocratisé le genre et qui reste une référence dans le domaine ? Moi assez peu en réalité, mais qu’importe car une connaissance approfondie n’est pas nécessaire pour lire cet article. Il vous suffit de savoir que WoW propose aux joueurs d’incarner un personnage dans un monde virtuel immense, disposant de sa propre géographie et de ses propres règles sociales. Comme tous jeux de rôle, les personnages peuvent devenir plus fort en augmentant de niveau et en s’équipant d’objets, armes et même animaux de compagnie.
Bref, tout cela pour en venir au sujet de cet article : l’épisode du « sang corrompu ».
En 2005, Blizzard, éditeur de WoW, proposa un nouveau donjon nommé Zul’Gurub, destiné aux joueurs de hauts niveaux. Le boss de fin, nommé Hakkar l’écorcheur d’Âmes, disposait du sort dit du « sang corrompu » : le principe était d’infecter un joueur, qui s’affaiblissait (on parle d’un effet de type « debuff ») et devait alors être soigné avant de mourir et/ou de contaminer d’autres joueurs. Bien sûr, le « sang corrompu » avait été conçu pour ne pas sortir du donjon : soit les joueurs mourraient avant de quitter Zul’Gurub, soit Hakkar était vaincu et l’effet de ce sort disparaissait.
Sauf qu’involontairement, du fait d’une erreur de programmation, ce sort se comportait exactement comme une épidémie réelle : il pouvait infecter les animaux de compagnie des joueurs (les « pets ») et en faisait des porteurs sains ! Ainsi, les joueurs pouvaient quitter le donjons… et répandre la maladie dans l’ensemble du monde de Wow !
Et c’est ce qui arriva !
Le « sang corrompu » fut exporté et contamina peu à peu les divers continents, y compris les PNJ qui devenaient porteurs sains au même titre que les pets (les PNJ étant une population inhérente au jeu, non incarnée pas des joueurs mais mût par des algorithmes plus ou moins simples). Les villes, zones de fortes densités furent transformée en plaines recouvertes de cadavres. Le sort ayant été conçu pour les joueurs de hauts niveaux, les joueurs de bas niveaux mourraient à toute vitesse ; leur seule échappatoire était de se réfugier dans des zones à faibles densité, comme les montagnes ou les campagnes peu peuplées.
La propagation de la pandémie fut augmentée par la facilité de déplacement inhérente au jeu. Blizzard essaya bien d’instaurer des zones de quarantaine ou des zones tampons, mais sans grand succès. Nombre de joueurs healeurs (soigneurs) tentaient de contenir l’épidémie. Mais réciproquement, certains joueurs curieux se rendaient dans les zones contaminées et en rapportaient l’épidémie ; d’autres joueurs encore, « mal intentionnés », la propageaient volontairement, notamment auprès de leurs propres ennemis.
Au bout de 5 jours, sans solution, Blizzard fut obligé de redémarrer les serveurs du jeu avec un correctif. Cet épisode resta pourtant dans les mémoires des joueurs comme étant une excellente expérience de jeu. Au point que Blizzard s’en inspira ultérieurement pour (re)créer une épidémie de zombies, contrôlée celle-là.
Vous l’aurez sans doute noté, l’épisode du « sang corrompu » de WoW ressembla à s’y méprendre à une épidémie réelle, avec des mécanismes et des comportements plus réalistes que les modèles utilisés par les chercheurs en épidémiologie, au point d’attirer l’attention de ces derniers !
Sources :
Millenium.org/wow/
Dirty biology (C’est cette excellente vidéo de Léo Grasset, très bien réalisée, qui m’a fait découvrir le sujet.)
Gamasutra.com