Cuisine à l’ingénieure
Vous le savez si vous lisez régulièrement ce blog, je suis assez adepte des campagnes de financement participatif (ou crowdfunding). Pour rappel, le principe est de contribuer pour un montant de votre choix à un projet. Si le projet atteint le budget fixé par son porteur, il est réalisé, et les contributeurs ont généralement des compensations à la hauteur de leur participation. Récemment, j’ai donc reçu un livre de recette issu d’une campagne de crowdfunding sur Kickstater…
Ledit livre compile quelques dizaines de recettes, et n’a pas été rédigé par un chef mais par un… ingénieur ! Celui-ci, un suedois du nom de Sami Matilainen, s’est proposé de les réécrire sous la forme de flowcharts. En effet, une recette de cuisine est en fait rarement linéaire : la plupart du temps, il ne s’agit pas de suivre des étapes les unes aprés les autres, mais de faire plusieurs tâches et sous-tâches plus ou moins en parallèle, et que se rejoignent au fur et à mesure. Partant de ce constat, il propose donc dans son livre des recettes sous la forme de diagrammes.
Pour ma part, j’ai trouvé l’idée tout simplement géniale !
Le livre contient des recettes assez classiques (pain, poulet massala, macaronis, panecakes…), mais également des plats typiquement nordiques (suédois, mais aussi finlandais). D’ailleurs, dans cette catégorie, si vous savez où trouver de la viande de renne ou de caribou en France, je suis preneur en commentaires !
J’ai donc essayé une recette de poivrons farcis au ragout de boeuf et au riz sauvage… Ci-dessous un petit timelapse de la préparation.
Pour chaque recette sous forme de flowcharts, la recette sous forme traditionnelle (étapes listées) est disponible sur la page en vis-à-vis. J’avoue que je ne sais pas si la lecture du flowchart est vraiment plus rapide ou pratique que la lecture d’une recette classique… Mais elle est indéniablement plus originale, c’est certain.
Le résultat a été à la hauteur, tant visuellement qu’au goût !
Du côté des améliorations qui pourraient être ajoutées, je me suis noté :
- Une estimation du temps de préparation global ;
- Un renvoi plus clair entre les recettes (ici, ma recette de poivron farci faisait elle-même appel à une recette de ragout pour servir de base à la farce, ce qui ne sautait pas vraiment aux yeux).
Ce qui est bien avec les ingénieurs, c’est qu’ils se ressemblent et travaillent généralement de manière similaire. J’ai donc énormément apprécié la rétrospective qu’il a publiée en fin de projet, dans laquelle il revient sur sa (première) expérience en tant que porteur de projet en financement participatif.
Il dit par exemple qu’il a vendu pratiquement 10 fois plus de livres qu’il ne l’avait imaginé. Ainsi, la répartition de son budget a été différente de ce qu’il avait estimé, et les marges qu’il avait prises ont mécaniquement gonflé et lui ont permis d’être confortable dans son projet. Il a été surpris que les frais d’envois représentent 30% du budget. Il détaille ce qu’il a appris en auto-éditant un livre, et pourquoi il a choisi cette méthode. Il estime avoir passé 200h à apprendre et préparer le projet, 300h à travailler sur le livre en lui-même, et 100h en tâches administratives diverses. Il envisage également d’aller plus loin, pourquoi pas avec un vrai chef….
Si vous souhaitez vous procurer ce livre (évidement pas en suédois, mais uniquement en anglais), voyez sur son site :
Le principal avantage que je vois à ce livre, c’est qu’il m’éviterait d’avoir à me faire moi même ces diagrammes virtuellement dans ma tête. En général, pour une recette, la première fois je suis l’ordre écrit dans la recette, et si je l’a refait, j’ai tendance à savoir ce qui peut être parallélisé.
Autre point potentiellement plus intéressant, comme en informatique, avoir des tâches parallèles, c’est cool, mais ça n’a vraiment d’intérêt que si tu as plusieurs cores pour les exécuter. Du coup ce formalisme doit être assez efficace pour faire de la cuisine à plusieurs.
Enfin, comme en informatique toujours, certains algorithmes se prêtent mieux que d’autres à la parallélisation. Il serait donc intéressant, dans un tel livre, de sélectionner des recettes hautement parallélisables.
oui, je suis informaticien XD
Je n’y avais pas pensé, mais en effet !
😀
Les « core » pour exécuter, ce ne sont pas nécessairement d’autres personnes en cuisine, ça peut aussi être le four ou la plaque chauffante. On peut ainsi éplucher les carottes pendant que les oignons commencent à dorer dans la poêle.
Voir ce qui est parallélisable, c’est un truc qui m’est assez naturel, je ne crois pas pas que ce livre m’aiderait beaucoup. Quand je teste une nouvelle recette, je la lis d’abord en entier et je vois de suite les « dépendances » entre les étapes. À partir de là je vois ce qui est parallélisable, mais aussi ce qu’il faudra lancer en premier (important lorsqu’on prépare plusieurs plats en même temps) : typiquement les trucs longs à cuire mais qui ne demandent pas trop d’interventions une fois que la cuisson est lancée.
A la réflexion, à moi aussi.
Mais j’aime beaucoup le fait d’avoir formalisé tout cela en flowcharts compilés dans un livre. Et je salue le passage d’une idée rigolote à un objet réel. 🙂